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Sommes-nous à l’ère des pères tendres ?

Ce billet est extrait de la newsletter hebdomadaire « Darons Daronnes » sur la parentalité, qui est envoyée tous les mercredis à 18 heures. Vous pouvez vous inscrire gratuitement à cette newsletter en suivant ce lien.
A ma naissance, en 1981, mon père n’était pas là. Il était sans doute allé « fumer un clope », « manger un morceau » ou peut-être bien « acheter le journal » et, le temps qu’il revienne, j’étais née. Je n’ai pas trouvé de statistiques globales, mais il me semble que cette absence n’était pas si rare à l’époque. Dans une recherche menée dans un service de maternité italien, il est précisé que « la participation des hommes aux accouchements naturels est passée de 70 % en 1984 à 83 % à la fin des années 1990, jusqu’à arriver à 94 % dans les années 2000 ».
La conséquence immédiate de son absence, c’est que j’ai vécu mes premiers instants ex utero seule avec ma mère. Elle m’a sans doute prise dans ses bras, a senti mon poids, ma chaleur, et j’ai dû découvrir le contact de sa peau, l’odeur de son corps. Si je pense à cela, c’est à cause d’une anecdote que m’a livrée cette semaine en visio le psychologue clinicien et psychanalyste Kevin Hiridjee, auteur de Qu’est-ce qu’un père ? (Fayard, 320 pages, 21,90 euros). Il travaille dans une maternité parisienne, où il reçoit des parents et futurs parents à leur demande, et parfois à la demande du personnel soignant. Il se rend régulièrement en salle de naissance, où il assiste aux premiers instants de la vie des familles. Il m’a raconté qu’un jour il était tombé sur un père qui lui avait expliqué s’être rasé le torse pour pouvoir accueillir son bébé en peau à peau (sans lui chatouiller les narines). Au plus près de sa chair. Cette image m’a frappée.
Je me suis demandé la chose suivante : est-ce qu’être là dès le premier instant, et se voir proposer de dorloter son nouveau-né, de le sentir respirer contre soi, modifie durablement le rapport des pères au corps de leur enfant ? Est-ce que cette expérience ouvre les vannes d’une tendresse maternante chez eux, qui ne se refermeront plus ?
Cela m’a fait penser à un parallèle dans un autre domaine : on sait qu’un long congé paternité est le meilleur moyen de rééquilibrer le partage des tâches domestiques et parentales au sein d’un couple, surtout en décalé. Etre là et seul toute la journée, c’est être contraint de s’interroger sur la marque de couches qui irrite les fesses, c’est voir que le bébé régurgite le lait premier âge, c’est vider le panier de linge sale qui déborde. Là aussi, on ouvre des vannes qui (je l’espère !) ne se refermeront plus. La mère n’est plus la seule responsable du foyer.
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